Chronique de tractage # 1

Les Vrais Mariages

Depuis que nous tractons, grâce à notre constance et la présence parmi nous d’une figure appréciée et reconnue du commerce dijonnais traditionnel, nous avons tissé des liens de voisinage solides et chaleureux avec certains habitants du centre-ville. L’une de nos désormais voisines, madame M., ne manque jamais de venir nous faire un brin de causette en se rendant au marché.

Cet été, la grande affaire pour madame M. aura été les mariages. Il faut dire que l’âge de madame M. la destine plutôt à assister à de trop nombreux enterrements et qu’être invitée à deux mariages en 15 jours représentait pour elle un bonheur qu’elle n’espérait plus connaître. Bonheur d’autant plus parfait que ces deux mariages en étaient de vrais ! Voyant nos mines éteintes de vieux célibataires endurcis, madame M. a gentiment développé à notre intention, dans un souci éducatif, ce qu’était un vrai mariage : à l’église et avec des enfants qui sont dans le cortège et pas ailleurs.

Mes souvenirs de mariages étant fort lointains, et volontairement oubliés pour la plupart, ce sont des images de cinéma qui me sont bien naturellement venues à l’esprit, ce qui montre au passage l’implication professionnelle du tracteur.

Dans Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan, nous assistons subrepticement et presque par effraction à un mariage turc traditionnel ou plutôt à un instant de ce mariage, lorsque la mariée quitte sa maison, le visage entièrement voilé sans doute pour se rendre à la cérémonie. Cette scène, nous la voyons du point de vue de quelques jeunes hommes cachés derrière des arbres en surplomb. Parmi ces jeunes hommes qui ont sans doute côtoyé la future mariée au lycée, il y a celui qui était son amoureux à l’époque, on l’apprendra plus tard, et Sinan le héros du film.

Sinan a rencontré la future mariée dans une longue scène qui précède où la détresse de la jeune fille est clairement apparue au fil de leur longue  discussion. Après la courte scène relative au mariage on retrouvera les jeunes hommes au bord de la plage et une altercation violente opposera l’ancien amoureux et Sinan, ce dernier gardant les stigmates de cette bagarre pendant une bonne partie du film. Enchâssée entre la détresse de la jeune fille et la frustration des jeunes hommes, ce mariage imposé par la tradition prenait des allures de funérailles…

Lz Poirier sauvage

Qui sait, peut-être y avait-il dans les mariages de madame M. des jeunes gens cachés derrière les piliers de l’église, pleurant sur le passage de la mariée, leurs amours mortes. Voire même un garçon « sauvage » dévorant des yeux le jeune marié, mais il s’agirait là d’un autre film… O tempora, o mores ! pourrait dire madame M.

Quoi qu’il en soit, si vous vous mariez un jour ou si vous mariez vos enfants, n’oubliez pas d’inviter toutes vos vieilles tantes et cousines, vous leur ferez un immense plaisir. Même si, quoiqu’elles en disent, le mariage n’est pas tout a fait un vrai mariage et que parmi les enfants invités, il y en a un qui, s’il est bien dans le cortège n’est pas a la bonne place et a pris un peu d’avance sur le programme.

Didier le Tracteur

Du coté de chez les Tracteurs de l’Eldo. Depuis mai 2015, la petite équipe des Tracteurs de l’Eldo distribue le programme de leur cinéma préféré au centre-ville de Dijon. Les jours de marché entre 10 h et midi, vous pouvez les rencontrer aux abords des halles centrales. Les mercredis, une semaine sur deux, ils s’installent entre 15 h et 17 h rue des Godrans. Il leur arrive de se délocaliser, sur le campus, devant des lieux culturels lorsque l’actualité des événements à l’Eldo s’y prête. Avec eux, vous pouvez discuter cinéma, échanger sur les films, parler du cinéma Eldorado voire des autres cinémas… Ils adorent ça !