Un cinéaste, une salle

Séances discutées avec Clément Schneider

Le parcours que l’Eldo et l’ACID* (ont envie de vous proposer conjointement s’apparente à une bal(l)ade en trois films. D’abord la ballade avec deux « l » comme la Ballade des pendus de Villon ou celle de la Mauvaise réputation de Verlaine. Soit donc des formes avant tout poétiques, mélancoliques peut-être, tragiques parfois, émouvantes c’est sûr. Mais aussi, balade à travers l’espace et le temps, qui parcourra la Russie de Poutine (How to save a dead friend de Marusya Syroechkovskaya), et ira, via un détour par l’Inde, jusqu’au pays de Caux en Normandie (Un Prince de Pierre Creton) en passant par la frontière américano-mexicaine (The soiled doves of Tijuana de Jean-Charles Hue). . Faut-il à tout prix chercher une cohérence au choix de ces trois films ? Pas forcément. Si ce n’est que chacun d’eux conjugue, dans un geste qui lui est propre, un amour fou voire absolu avec la violence quotidienne du monde. Dit autrement, chacun de ces films nous demande : comment, lorsqu’on est femme, droguée et prostituée, ouvrir des interstices à la douceur, à la tendresse, dans l’enfer à ciel ouvert qu’est la ville de Tijuana ? Mais aussi : comment il est possible de (s’)aimer quand on a vingt ans, qu’on habite en Russie, et que le seul horizon qui ne soit pas assombri est celui qu’ouvrent les psychotropes ? Ou encore : comment inventer encore d’autres formes d’amour, par-delà les genres, les âges, les ethnies ? Quelles cabanes construire, quels jardins cultiver pour que le désir s’exprime enfin avec la plénitude des rêves adolescents ? Et c’est ainsi qu’Un prince répondra, sans qu’on l’ait vu venir, à How to save a dead friend et que ce dernier film lui-même apparaîtra comme la face cachée de The soiled doves of Tijuana. C’est ainsi que la balade entre des œuvres qui n’ont a priori en commun que leur indépendance farouche (c’est bien le sens de l’ACID après tout !) trouvera un sens plus large. Nous espérons que cette programmation, fruit de l’amitié entre une salle de cinéma et un cinéaste, saura vous guider jusque sur ces territoires où, quand le cinéma et le spectateur s’y aventurent, ils en ressortent l’un et l’autre mutuellement grandis.

Dernier rendez-vous :
Lundi 10 juin à 20h15
Un prince
De Pierre Creton. 2023. 1h22.

Né en 1989, Clément Schneider étudie la réalisation à la Fémis dont il sort diplômé en 2013. Après l’école, il fonde avec deux associées la société de production Les Films d’Argile afin de conserver indépendance et liberté dans son travail de création. Il devient ainsi producteur en plus de son métier de metteur en scène. En parallèle de ses activités de cinéaste, il travaille plusieurs années comme projectionniste dans différentes salles de cinéma où se forge son goût pour la transmission et le partage de films auprès des spectateurs. En 2018 son premier long-métrage Un violent désir de bonheur est sélectionné à l’ACID Cannes, dans dans de nombreux festivals internationaux, avant de sortir en salle. Il est, depuis 2022, titulaire d’un doctorat en études cinématographiques. Sa thèse de recherche-création s’intitule « Par ailleurs, le cinéma est une utopie. » Nous l’avons reçu à maintes reprises à l’Eldorado avec la double casquette réalisateur/producteur, et ce fut toujours une grande joie !

*L’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) nait en 1992 de la volonté de cinéastes de s’emparer des enjeux liés à la diffusion des films, à leurs inégalités d’exposition et d’accès aux programmateurs et spectateurs. Ils ont très tôt affirmé leur souhait d’aller échanger avec les publics et revendiqué l’inscription du cinéma indépendant dans l’action culturelle de proximité.