Outlaw King

Outlaw King

Révolte des Écossais contre l’usurpation britannique

par Moyocoyani

Hell or High Water (Comancheria en français) avait été l’une des sorties appréciées par les spectateurs de l’Eldorado à l’automne 2016, et ils n’avaient pas été les seuls, si on en croit les quatre nominations aux Oscars reçues par ce film « indépendant ». L’annonce du nouveau projet de David Mackenzie pouvait donc légitimement susciter l’intérêt, aussi curieux que puissent paraître son passage à un film historique racontant l’accession au trône d’Écosse de Robert le Bruce, les 120 millions de dollars injectés dans sa production, et sa sortie sur Netflix.

Outlaw King commence en 1304, tandis que les Écossais se rendent à la fin du siège du Château de Stirling. Parmi eux, Robert le Bruce, à qui le roi d’Angleterre Édouard Ier semble pardonner sa trahison au nom des exploits de son père. Malgré le regrettable usage de cartons pour contextualiser l’action, la première scène est à la fois exemplaire comme incipit et comme plan-séquence, montrant d’un tenant le serment d’allégeance de Robert, son duel avec le futur Édouard II, l’imploration du félon James Douglas, débouté par le roi, puis l’inauguration du War Wolf, l’imposant trébuchet dont Édouard Ier tient à montrer la puissance malgré la capitulation de ses derniers opposants. C’est assez bavard pour que le spectateur comprenne bien tous les personnages et les enjeux du film à venir, assez impressionnant pour flatter l’œil, assez dense pour promettre une grande richesse historique et humaine.

Les deux heures suivantes ne sont cependant pas du même acabit, au point qu’il soit très difficile d’y admirer autre chose que le travail de reconstitution historique, la nervosité de quelques batailles, éventuellement l’interprétation de James Douglas par Aaron Taylor-Johnson, voire les décors naturels et un personnage féminin fort… On ne peut que louer en Chris Pine le choix d’un acteur beau mais vulnérable et mélancolique plutôt qu’hypertrophié et hyper-virilisant, mais il lui manque (ou à sa direction) une dimension tragique, une intensité, qui aurait pu l’aider à porter le film. Le reste est une succession de faits maladroitement calqués sur une notice biographique, sans profondeur et sans génie, qu’il serait aisée d’imputer au remaniement du montage opéré après sa mauvaise réception au festival de Toronto. Mais ôter vingt minutes de scènes précises (apparemment une bataille, une course-poursuite, la rencontre entre Robert le Bruce et Wallace) est à peine une mutilation, certainement pas un charcutage expliquant la pauvreté d’Outlaw King à tous les niveaux.

À défaut d’y trouver une digne suite au Braveheart de Mel Gibson, on pourrait au moins tenter de lui trouver de l’intérêt en lisant un évident sous-texte politique dans le film d’un Écossais contant la guerre d’indépendance de l’Écosse contre la cupidité britannique, une apologie facile mais méritoire d’un second référendum, de la solidarité des David face à la politique inhumaine des Goliath, particulièrement en ces temps de Brexit…

Même si Mackenzie a réfuté cette lecture, sa volonté de traiter de l’une des grandes figures nationales dans un film magnifiant les paysages et l’âme écossaise, sans le folklorisme qui avait été reproché à Braveheart, peut difficilement être perçue autrement. Au risque d’injecter une dimension légendaire, et presque fatalement manichéenne, à un récit paradoxalement culturellement et historiquement factuel. Il semble ainsi tenter de donner à ses compatriotes le grand film historique dont ils rêvent, de sorte qu’il faudrait peut-être soi-même être Écossais pour l’apprécier à sa juste valeur, sans trop le comparer aux grandes fresques qui nous servent de points de repère. Même le Robin Hood de Ridley Scott paraîtrait sinon plus dense et plus humain…


Moyocoyani par Moyocoyani. En sachant que parmi mes films préférés on compte des réalisations de Kurosawa et des frères Coen, de Terrence Malick et de Christopher Nolan, de Fritz Lang et de Carpenter, de Lynch et de Cronenberg, et même de Kitano ou Godard et de Villeneuve ou Tarantino, sans oublier quelques films d’animation états-uniens ou japonais, on pourrait avoir l’impression d’un certain éclectisme. J’y vois plutôt la cohérente passion pour le cinéma revendiqué comme une expérience totale, pour les productions parfaitement maîtrisées en vue d’un résultat marquant l’âme et la rétine, pour les films qui méritent qu’on leur consacre quelques heures d’une vie pourtant courte.